C'est un Aragon un peu inattendu avec son écriture au carrefour des genres et des influences qu’on espère donner à découvrir : son lien étonnant à Ponge, le lien profond avec Matisse et même l’approche de la poésie revisitée, avec le rapport à Neruda dans le « rire amer » de la déstalinisation, avec le croisement insoupçonné de la culture musulmane dans Le Fou d’Elsa, ou encore avec le lien avec la chanson devenu chose commune. Sans compter la source inépuisable de l’expérience journalistique pour un grand écrivain directeur des Lettres françaises. Si bien qu’au-delà du XIXe siècle (un colloque a pu s’intituler « Le XIXe siècle d’Aragon ») et de la modernité du XXe siècle qu’Aragon aura contribué à définir, c’est vers le XXIe siècle qu’il pointe son projecteur. Cette modernité sans faille d’Aragon est ici amplement soulignée ainsi que le dialogue souterrain non seulement avec ses contemporains mais aussi avec ses « cadets »… C’est entre le réalisme de la photographie et la tentation du dialogisme carnavalesque qu’oscille toute l’oeuvre d’Aragon, dans une paradoxale continuité, depuis les excès dadaïstes d’Anicet (1921) et les « fantasmagories » surréalistes du Paysan de Paris (1926), jusqu’à la folle indécision narrative des trois derniers romans particulièrement étudiés dans ce volume, en passant par les romans du Monde réel (1934-1951), où le réalisme socialiste affiché ne va pas sans son envers, avec ces failles évidentes qui viennent miner le roman à thèse.
Dossier critique
Vie et Aventures de Salavin de Georges Duhamel
Études réunies par Paul Renard
Roxane Doré : Qui père gagne : la problématique paternelle
comme ressort des aventures de Salavin, p. 7.
Arlette Lafay : Le roman de Salavin : une problématique de la mort de l'homme, p.19.
François Ouellet : Salavin ou l’impuissance métaphysique, p. 29
Édith Perry : Inscription du corps dans Vie et aventures de Salavin, p. 41.
Gianfranco Rubino : L’espace impossible de Salavin, p. 53.
Éliane Tonnet-Lacroix : Salavin, anti-héros exemplaire, p. 65.
Paul Renard : Lecture d’une séquence
L’oreille de M. Sureau
(premier chapitre de Confession de minuit), p. 75.
Gerald Prince :Salavin, le langage et le récit dans Confession de minuit, p. 83.
Michel Dyé : La mise en scène d’un tourment existentiel
dans Le Club des Lyonnais, p. 89.
Lectures étrangères
György Tverdota : Frères jumeaux et sœurs jumelles :
Thérèse Desqueyroux de François Mauriac
et Une possédée de László Németh, p. 97.
Romans contemporains
Frank Wagner : Le « roman » de Romand
(à propos de L’Adversaire, d’Emmanuel Carrère), p. 107.
Annie Jouan-Westlund : Psychanalyse et écriture de soi :
leurre ou gageure ? L’auto-analyse de Serge Doubrovsky, p. 125.
Romans 20-50
Thanh-Vân Ton-Thât : L’image du populaire chez Proust :
du rêve d’ascension aux désirs de transgressions, p. 135.
Comptes rendus
À propos d’Éducation européenne, p. 158.